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L'Edito
29 août 2011

La Pantalla Que Almodovar Habita

la-piel-que-habito-afficheCliquez sur l'image pour voir la bande-annonce

Une jeune fille en combinaison couleur chair, s'adonnant à des exercices de souplesse, semblant vouloir dompter son corps. Almodovar lève le rideau sur du cru. C'est là toute la thématique de La Piel Que Habito : dompter l'apparence, le physique, dans un futur proche (2012 – la fin du monde ?) où la chirurgie plastique étend ses tentacules pour écraser dans l'oubli la boutique vintage cosy du coin de la rue. Une nouvelle mode qui fait frissonner.


Le réalisateur espagnol dénonce les extrêmes et les paradoxes d'une société absurde, en peignant avec brio une dualité dérangeante, la confrontation entre l'exaltation de la perfection esthétique, et le retour flagrant à la bestialité. Le film s'articule ainsi naturellement en deux parties majeures ; la première semble avoir pour rôle de jeter les questions. Brutalement. Tout n'est que brutalité, tant au niveau du scénario que des plans, et c'est avec un sentiment repoussant de voyeurisme qu'on assiste à une scène de viol par une bête déchaînée (littéralement), caméra fixe à hauteur de plancher, pas de tabou. Les multiples écrans de contrôles contribuent encore à donner au spectateur l'impression malsaine de s'introduire dans la vie et dans le film tel un intrus pervers. Et pourtant, qui est cette fille enfermée et docile ? Quel est son rapport avec le viril Robert (Antonio Banderas dans toute sa splendeur glaciale) ? Désir ou haine ? 

Qui sème le vent récolte la tempête. La seconde partie vient compléter la première en y apporter des réponses qui font froid dans le dos. La continuité temporelle est brisée par d'incessantes allées et venues entre passé et présent, et c'est dans ce puzzle temporel qu'on comprend peu à peu la machination de l'effrayant Robert, et les prémisses de sa terrible vengeance. Le récit prend également une tournure plus haletante, puisque les relations entre le docteur et sa prisonnière se compliquent, et les sentiments s'y mêlent. On sent les prises de vue plus mobiles et plus proches, moins dures. La tournante prendra fin dans un feu (des feux ?) d'artifice, pour simplement nous laisser au fond de la gorge un âpre goût de malaise.

On sort de la salle noire avec les idées dans le brouillard, et les yeux confus. Jonglant entre scènes d'animalité pure (séquestration du jeune Vicente dans la grotte, symbolisant comme un retour à l'homme des cavernes, lapant l'eau à quatre pattes, hurlant, les yeux exorbités) et d'autres montrant un corps sans tâche qui paraît vouloir se protéger des agressions extérieures jusqu'à se masquer le visage, Almodovar joue à nouveau talentueusement sur le tableau de la duplicité des âmes de ses personnages, emportés dans un tourbillon d'événements qui scellent leur destin à la façon des plus grandioses tragédies antiques.

Sarah Diep, août 2011

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