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L'Edito

15 juin 2013

Un jeudi au MAM

Après s'être nourri l'esprit, vient le temps de se nourrir le corps. C'est ainsi que l'a bien compris le Musée d'Art Moderne de Paris en ce début de saison estivale. Dans le cadre de l'exposition Keith Haring The Political Line (jusqu'au 18 août 2013), le musée a organisé un « jeudi au MAM », avec DJs, performances artistiques et grosses basses au programme.

Après avoir délicieusement longé les sinueux méandres des traits de pinceaux de l'artiste américain des années 80, je me suis retrouvée propulsée au milieu d'une foule aussi bigarrée que l'exposition fut riche. Ce sont des curieux de tous âges qui se sont agglomérés sur la terrasse du MAM comme des papillons découvrant (enfin) un rayon de soleil attractif entre les rues sempiternellement désertées du seizième arrondissement. A l'abri des blanches colonnes elles-mêmes surplombées d'un soleil rieur de fin d'après-midi, un cercle mystique s'était créé, une folle ronde où s'entrechoquaient des personnages hauts en couleurs. Une danseuse vêtue d'un seul sparadrap pour sous-vêtement et d'une jupe blanche de princesse, un guerrier des nuits sahariennes en baskets vintage, une ballerine multicolore au sourire ravageur, un cuir-moustache en string et jupe fendue, une impératrice militaire recouverte de peinture telle une œuvre vivante de Keith, virevoltaient et se convulsaient sous les yeux fascinés d'un public dont l'esprit pétri de l'atmosphère du lieu se laissait étonner avec une douce joie enfantine devant ces prouesses du bizarre. Les danseurs ont ainsi ouvert le « Keith Haring clubbing outdoor » et, après quelques secondes d'hésitation, les spectateurs se sont à leur tour livrés au rythme d'une bande-son particulièrement rétro et finement travaillée, hommage à la scène clubbing new-yorkaise des années Haring. Le temps s'écoulait en douceur, et sans s'en rendre compte, déjà sous l'éclat des quelques étoiles parsemées entre les filets nuageux d'un bleu sombre, la Tour Eiffel semblait jeter un coup d'oeil bienveillant par-delà le Palais de Tokyo. Verre après verre, les corps se déhanchaient, les cigarettes se consumaient au coin d'un sourire, les bras se levaient comme pour frôler le ciel et transporter l'instant en des altitudes insouciantes.

Populo-culturel, bondé sans trop l'être, ce « jeudi au MAM » avait l'apparence d'une soirée surprise bien ficelée, et le goût d'une naturelle évidence. Brassant joyeusement les âges et les silhouettes dans l'ombre naissante d'un crépuscule de juin, réunissant aussi bien le jeune étudiant en art venu ce jour-là par hasard, le fêtard parisien à l'affût des bons plans outdoor pour l'été et le chic père de famille qui rêvait secrètement de conquérir le dancefloor avec la légitimité dont l'institution culturelle le couvrait, l'événement mérite d'être reproduit à l'avenir et marque de manière humble et triomphante l'ouverture d'une belle saison artistique dans la capitale.

Sarah Diep, juin 2013

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14 mai 2012

La droite porte encore les brûlures de sa dernière vérole

Où est passée la droite libérale et républicaine, celle que je respecte, et qui me respecte aussi ? Celle qui rend notre démocratie parfois violente mais si vivante ? Où est passée cette droite, désormais deuxième force du pays, qui s'attelle à l'ingrate tâche de courtiser les électeurs du Front National en vue des législatives de juin ? Nicolas Sarkozy est sur le point de se replonger dans la masse anonyme des français, et à trois jours de la définitive passation de pouvoir, je me demande : où est passée la droite unie et forte, celle qui a des convictions pour le pays ? 

Bastille le 1er mai 2012 (photo SD)

Image 1Le revirement de dernière minute de Nicolas Sarkozy vers le caractère fasciste peu reluisant du FN m'a paralysée et l'a mené à la défaite électorale. Enrobant ses discours de présupposés xénophobes, stigmatisant des boucs émissaires qui, s'ils portent – comme tout un chacun – une part de responsabilité quant à la situation de la société, sont loin d'être les vrais problèmes et les véritables enjeux. Droite libérale de France que je pensais connaître, où es-tu ? Cette stratégie d'appât jouant à attirer les opinions les plus basses et souvent les plus viles du cœur humain – rejet de l'inconnu, repli sur un égoïsme civilisationnel tout affiché (cf. le clip de campagne de Nicolas Sarkozy pendant l'entre-deux tours) – ne vise qu'à diminuer l'importance accordée par les électeurs au FN... pour mieux en récolter les fruits. 

Quittant le pouvoir après cinq années de relative turbulence sociale et économique, Nicolas Sarkozy aurait pu finir sa campagne en tenant des propos forts de justesse et de conviction politique. Il a choisi de tenter le tout pour le tout, quitte à assimiler à ses frais et sans scrupules les thèses nationalistes et protectionnistes d'extrême-droite, digérant le tout dans un discours plus ou moins teinté de libéralisme, pour en conserver les apparences.

Le 6 mai, je me réjouissais alors d'un choix démocratique qui s'était tourné vers l'intégrité – même molle – des valeurs et des opinions, au détriment de l'opportunisme électoral éhonté. La droite française désormais décapitée cherche à se reconstruire et à retrouver son identité. Il est temps que la droite redevienne droite !

Malheureusement, des paroles, aussi affligeantes que celles de Nadine Morano, qui s'indigne des drapeaux étrangers présents à la Bastille dimanche soir, m'atterrent et me laissent (presque) sans voix. Issue de deux cultures diamétralement opposées, je suis moi-même riche d'un tierce mais non moindre héritage : la culture française. J'ai grandi sur cette terre, au milieu de ce peuple auquel je ne ressemble pas et dont, pourtant, je suis si proche ; je suis ce peuple. Profondément. Et je veux apporter le meilleur à la France : mes capacités, mon identité, mon étrangeté. Je suis fière de ces drapeaux qui, en apportant des couleurs à la place de la Bastille, apportent également une nouvelle richesse à notre nation des Droits de l'Homme. Alors, certes, Mme Morano, il était peu probable de voir s'agiter des drapeaux français lors des élections législatives algériennes ; mais si nous avons bénéficié, nous, de cette profusion colorée, c'est précisément parce que les français ont cette chance de pouvoir se vanter de leur histoire nationale qui a vu s'épanouir les Droits de l'Homme, les libertés, le respect, et cette Fraternité qui fait notre devise. 

Bastille le 1er mai 2012 (photo SD)

ImageSe sentir étranger et français dans le même temps est un paradoxe désormais possible, et tellement réel ; c'est toute la beauté de ce monde aujourd'hui multi-identitaire. Je constate inversement avec tristesse que se sentir français mais étranger est un autre paradoxe : comment, en effet, peut-on être français et accorder du crédit aux propos de notre droite qui dérive vers une conception si étriquée de la nation française ? Depuis cet entre-deux tours, mais aussi déjà depuis les expulsions de Roms en 2010, et même encore en 2007 lors d'une campagne principalement tournée autour de l'identité et de la sécurité, la droite française s'est égarée. Cette attitude est contre-productive, antidémocratique et risque simplement de nuire au parti pour les législatives.

Français de droite, Français de gauche, il est temps de se donner la main pour lutter contre l'extrémisme politique qui a tant ravagé le monde au siècle dernier. Car lutter contre l'extrémisme, c'est lutter en faveur de la démocratie, pour laquelle des hommes et des femmes ont donné leur vie. C'est lutter, enfin, pour une France réconciliée avec la politique, réconciliée avec elle-même.

Je suis étrangère et je me sens française.

Je suis française ; ne me faites pas sentir étrangère.

Sarah Diep, mai 2012

21 novembre 2011

Arrêt maladie dans les neurones du gouvernement

Laurent Wauquiez continue sur sa lancée d'inepties. Dans Le Monde du 7 octobre 2011, il avait soutenu la circulaire du 31 mai de Claude Guéant, en tenant les propos suivants « La France doit continuer d'attirer les talents. Les grandes écoles et les universités nous ont fait remonter les cas d'étudiants dont les situations ont pu être absurdes et contre-productives. (Je voudrais qu') on accueille des gens pour les former, construire un projet et ensuite ils repartent chez eux pour redynamiser leur pays ».

Quelques mois plus tard, malgré les contestations de multiples instances, Claude Guéant demeure têtu ; mais il demeure aussi celui à qui tous les jeunes, en révolte sourde, lancent la pierre en signant pétitions internet et groupes facebook. La jeunesse semble percevoir, mieux que nos dirigeants, les enjeux d'une telle circulaire, qui – au simple titre de régulation de l'immigration – amènera à une baisse du prestige de l'éducation supérieure en France, un insoutenable manque de richesse culturelle sur les bancs des universités où petits Français pourront se réunir pour chanter « la France aux Français » , et surtout un inévitable manque d'ouverture d'esprit (s'il n'existe pas déjà ?).

Par « situations absurdes et contre-productives », Wauquiez entend expériences professionnelles peu enrichissantes, qui ne seraient pas à la hauteur des jeunes diplômés. Il faudrait alors laisser ces places aux français pour réduire le chômage. C'est dire directement aux français : on vous vole vos emplois ! … Une impression de déjà-vu ? C'est normal.

Laissez donc les étudiants étrangers passer par des expériences professionnelles de tous types ; on demande irraisonnablement aux français d'avoir de l'expérience au sortir même de leurs études – les étrangers ne peuvent y échapper. Or, étrangers, selon notre ministre de l'enseignement supérieur, vous n'aviez qu'à avoir plus d'ambition si vous vouliez qu'on vous garde ! 

« Le droit à l'éducation ne signifie pas un droit au travail » a réaffirmé hier Claude Guéant. Mais en leur tendant leur diplôme de fin d'étude comme si on leur tendait leur certificat d'expulsion, qui sera désormais séduit par des études dans un pays qui ne veut pas d'eux ? Centaines de jeunes étudiants brillants, souvent major dans leur pays, le quittent valise en main et rêves pleins la tête, bouillants d'ambition, pour atterrir dans nos grandes écoles (Sciences Po, HEC, Polytechnique...). Leur refuser un titre de séjour à la fin de leurs études, c'est dire non aux échanges culturels entre les pays, dire non à des jeunes qui, découragés par cette infâme circulaire, iront étudier ailleurs au risque de gâcher un potentiel énorme. Dire non, enfin, aux valeurs d'une France multiculturaliste.

Pour réduire l'immigration, Claude Guéant est prêt à tout. Même à s'affubler de préjugés d'extrême-droite.

 


Capture d’écran 2011-11-20 à 14

Cliquez sur la photo pour accéder à la vidéo

Quand il s'agit de phrases provoc' et absolument irréfléchies, Claude Guéant est maître. Mais quand ce dernier est occupé à prendre des décisions absolument honteuses, Laurent Wauquiez prend la relève. "Quelqu'un qui est en arrêt maladie, il faut qu'il se rende compte : tout ça, ça coûte à la sécurité sociale".

Encore une fois, on veut niveler la société par le bas, on veut prendre des lois à l'encontre des quelques infimes pourcentages de fraudeurs du système, et à cause d'eux, pénaliser tout le monde. C'est cela, qui n'est pas très responsabilisant de la part d'un gouvernement. Alors, je vous en prie, afin qu'il ne soit plus payé pour dire toutes ces inepties, qu'on mette Laurent Wauquiez en arrêt maladie. Ça nous fera des petites carences sympathiques.

Sarah Diep, novembre 2011

24 octobre 2011

Printemps arabe ? J'en suis fort aise

jeune-garcon-manifestation-syrie1« Kadhafi est mort ! » entendait-t-on à chaque coin de rue, lisait-on à chaque tweet, dans l'après midi du 20 octobre. Et cette exclamation sonnait comme la chute d'un feuilleton sanglant qu'on attendait, tranquillement assis devant son journal de l'autre côté de la Méditerranée. Ça y est, l'épisode libyen touche à sa fin. Mais encore une fois, les médias ont tronqué notre champ de vision. Partout, ce fut le buzz complet – unes de journaux, du JT, de la page d'accueil internet. Pourtant, qu'en est-il des manifestants syriens qui, sans relâche depuis des mois, sortent de chez eux tous les jours exiger le départ d'un Al-Assad qui persiste et, comme un enfant auquel on voudrait arracher sa peluche préférée, s'agrippe encore au pouvoir en préférant réprimer violemment ceux qui se lèveraient face à lui ? Pourquoi notre représentant, qui avait cru défendre si ardemment une cause juste en apportant soutien et fusils aux rebelles libyens, feint-il une indifférence éhontée quant au cas syrien ? Il semblerait que la réponse soit sur toutes les lèvres, les lèvres méprisantes qui, au « Khadafi est mort ! » retentissant, ont répondu cyniquement « Total va être content ». Si Sarkozy, qui s'est lancé le premier dans l'aide aux libyens – peut-être même un peu trop précipitamment -, a tenté de légitimer son action en employant des termes nobles tels que « raisons humanitaires », je demande qu'il en fasse de même en Syrie, ou bien qu'il s'abstienne de crier victoire après la chute du régime khadafiste ; mais, monsieur Sarkozy, ne faites pas les choses à moitié. On appelle communément cela l'hypocrisie.


Après tout, puisque les pompes à essence françaises se trouvent déjà rassasiées, que les civils syriens réprimés ne paraissent pas si bien organisés (c'est vrai, le CNT paraissait si fiable – Qu'est-ce que cela qu'une « révolution du peuple » par un peuple qui manie les armes comme des guerriers farouches ? Est-ce un peuple ou une imposture ?), et que Al-Assad mate si efficacement l'islamisme (ô grande menace d'un monde occidental qui n'accepte pas une démocratie différente de la nôtre), pourquoi agirait-on en Syrie ? N'avez-vous pas compris que la révolution est devenue has-been ? Qu'on les laisse brailler. Papa s'occupe désormais d'affaires de grandes personnes.

Révoltant.

Sarah Diep, octobre 2011

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Dessin de Stephff dans Courrier International, 25.04.2012

5 septembre 2011

DSK outragé ! DSK brisé ! DSK martyrisé ! mais DSK libéré !

Il y a un peu plus d'une semaine de cela, Dominique Strauss-Kahn se voyait exonéré des poursuites pénales par le procureur de New-York. Après s'être rendu au FMI pour y faire ses adieux, il est rentré ce dimanche 4 septembre à Paris. Et c'est un soulagement.

Un soulagement de ne plus lire ces trois lettres majuscules sur les Unes de tous les journaux au kiosque, de ne plus tomber sur les yeux cerclés de cernes du personnage au moindre clic Internet. Quand des milliers de familles meurent en Somalie, on aimerait penser à autre chose, voir plus haut, plus loin, plus noble que les crasses pathétiques des hommes politiques.

Un soulagement pour les socialistes, pour sa famille et ses amis, et tous ceux qui avaient placé un espoir dans cet homme qui, s'il n'est pas exempt de taches (qui l'est vraiment ?), porte des idées dignes d'être défendues comme les autres. Une véritable compétence économique au sein d'un PS qui passe davantage de temps à s'opposer qu'à proposer, n'était pas de trop.

Dominique Strauss-Kahn et son épouse ce 04/09 (crédits photo : GONZALO FUENTES/REUTERS)

912725cc-d6bf-11e0-aaed-81f05254776fUn soulagement, enfin, de rester dans l'ignorance. Criminel ? Victime ? Complot ? Pulsion ? En l'absence de procès, nul ne saura, et c'est finalement mieux ainsi. Qui sommes-nous pour traquer et librement interpréter les moindres détails des rapports scientifiques qui affirment « des traces d'agression sur le corps de la femme » ? Pourquoi faire de la vie des gens une émission médiatique plus attristante qu'autre chose ? Qui sommes-nous pour juger Strauss-Kahn, si même les juges new-yorkais ne l'ont pas fait ? La justice nous est inconnue, à nous citoyens, et relève du domaine privé. Va-t-on bientôt à nouveau pendre le coupable sur la place publique !? Le mal a été assez grand pour DSK, dont la tête est déjà tombée devant les yeux stupéfaits des spectateurs du monde ; tombée du FMI, tombée du Parti Socialiste, tombée dans l'estime de beaucoup.

Un homme politique n'est pas censé être parfait, ni même moral ; il est censé gouverner un pays. Qu'importe qu'il trousse les jupons. Les autres ne sont guère plus élégants. « Pauvre con ».

Sarah Diep, septembre 2011

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29 août 2011

La Pantalla Que Almodovar Habita

la-piel-que-habito-afficheCliquez sur l'image pour voir la bande-annonce

Une jeune fille en combinaison couleur chair, s'adonnant à des exercices de souplesse, semblant vouloir dompter son corps. Almodovar lève le rideau sur du cru. C'est là toute la thématique de La Piel Que Habito : dompter l'apparence, le physique, dans un futur proche (2012 – la fin du monde ?) où la chirurgie plastique étend ses tentacules pour écraser dans l'oubli la boutique vintage cosy du coin de la rue. Une nouvelle mode qui fait frissonner.


Le réalisateur espagnol dénonce les extrêmes et les paradoxes d'une société absurde, en peignant avec brio une dualité dérangeante, la confrontation entre l'exaltation de la perfection esthétique, et le retour flagrant à la bestialité. Le film s'articule ainsi naturellement en deux parties majeures ; la première semble avoir pour rôle de jeter les questions. Brutalement. Tout n'est que brutalité, tant au niveau du scénario que des plans, et c'est avec un sentiment repoussant de voyeurisme qu'on assiste à une scène de viol par une bête déchaînée (littéralement), caméra fixe à hauteur de plancher, pas de tabou. Les multiples écrans de contrôles contribuent encore à donner au spectateur l'impression malsaine de s'introduire dans la vie et dans le film tel un intrus pervers. Et pourtant, qui est cette fille enfermée et docile ? Quel est son rapport avec le viril Robert (Antonio Banderas dans toute sa splendeur glaciale) ? Désir ou haine ? 

Qui sème le vent récolte la tempête. La seconde partie vient compléter la première en y apporter des réponses qui font froid dans le dos. La continuité temporelle est brisée par d'incessantes allées et venues entre passé et présent, et c'est dans ce puzzle temporel qu'on comprend peu à peu la machination de l'effrayant Robert, et les prémisses de sa terrible vengeance. Le récit prend également une tournure plus haletante, puisque les relations entre le docteur et sa prisonnière se compliquent, et les sentiments s'y mêlent. On sent les prises de vue plus mobiles et plus proches, moins dures. La tournante prendra fin dans un feu (des feux ?) d'artifice, pour simplement nous laisser au fond de la gorge un âpre goût de malaise.

On sort de la salle noire avec les idées dans le brouillard, et les yeux confus. Jonglant entre scènes d'animalité pure (séquestration du jeune Vicente dans la grotte, symbolisant comme un retour à l'homme des cavernes, lapant l'eau à quatre pattes, hurlant, les yeux exorbités) et d'autres montrant un corps sans tâche qui paraît vouloir se protéger des agressions extérieures jusqu'à se masquer le visage, Almodovar joue à nouveau talentueusement sur le tableau de la duplicité des âmes de ses personnages, emportés dans un tourbillon d'événements qui scellent leur destin à la façon des plus grandioses tragédies antiques.

Sarah Diep, août 2011

22 août 2011

Good night and good luck

Notre existence est d'une telle fuite que si nous n'écrivons pas le soir l'événement du matin, le travail nous encombre et nous n'avons plus le temps de le mettre à jour. Cela ne nous empêche pas de gaspiller nos années, de jeter au vent ces heures qui sont pour l'Homme les semences de l'éternité. 

– Chateaubriand

  


 

Peut-être suis-je au fond une grande rêveuse, une nostalgique de cette époque où journalisme était synonyme de salles de rédaction enfumées et bruyantes, où défilaient sans arrêt des images en noir et blanc qui semblaient sorties d’un autre monde sur des dizaines d’écran tapissant les murs, où les sonneries stridentes des téléphones résonnaient en canon et émoustillaient les tympans de ces hommes en chemises blanches débattant sur la politique américaine des années 50.

 

Avec l’outil brillant qu’on appelle Internet, tout un chacun peut désormais se proclamer journaliste de son temps en publiant en direct quelques tweets spasmodiques. Et ce journaliste de la dernière heure fait face à un public qui l’encourage et ne se soucie guère de la qualité du nom de celui qui apporte l’info, tant qu’il l’apporte ; un public avide des derniers rebondissements rocambolesques du procès de DSK, et qui traque sans scrupule le bilan des morts dans les émeutes anglaises ou syriennes.

 

Aujourd’hui, on veut de l’événement. On veut le scoop d'un soir. Et vite. Même la politique s’en ressent, ne prônant plus, comme dans les années 70-80, des idéologies qui animaient les âmes et insufflaient l’espoir. Les grands pays qu’on peut pompeusement qualifier de « civilisation occidentale », se sentent investis de la mission quasi divine d’intervenir dans les pays arabes qui connaissent tour à tour gloire et malheur. La situation est jugée intenable, et « Il faut agir » devient le mot d’ordre.

 

Tant de frénésie précipitée vers l’action future, qui fera l’événement d’aujourd’hui placardé à la Une, avant d’être relégué aux tribulations d’hier déjà oubliées. La chaîne info se transforme en feuilleton télévisé. Ç’en est presque écoeurant.

 

Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo

Capture d’écran 2011-08-22 à 01

 

Pour définir et comprendre le journalisme de notre temps, en pleine mutation, il faut analyser notre rapport à l’information. Comment est-elle diffusée, mais surtout reçue ? Quelle proportion occupe-t-elle dans notre vie ? Pour démarrer ce blog, il me semble indispensable d’en étudier d’abord les fondements.

 

Cette première approche avec les gens de mon âge m'amène à conclure que oui, l'information circule toujours et de manière plutôt efficace ; mais il paraît impossible de s'en remettre à d'autres pour guider sa pensée. On ne veut plus devenir le simple abonné fidèle d'un journal ; à travers l'information, on veut mettre en oeuvre notre jugement critique et enclencher notre propre système de réflexion. Et même si cela demande de l'effort personnel et quotidien ("c'est à nous de faire la démarche"), j'exhorte chacun d'entre nous à se rendre compte des enjeux d'une société qui ne pourra devenir vraiment active que si bien informée.

 

Sarah Diep, août 2011

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